Chef, oui chef!, dernier livre de J. Soulard

Portraits du chef Jean Soulard tirés de l'entrevue avec Thierry Debeur

Une expression que l'on entend dans les rangs de l'armée. Discipline, réaction instantanée des soldats, expression positive de leur compréhension (ou non) des ordres donnés. Mais ici, nous sommes dans une cuisine.

Par Huguette Béraud et Thierry Debeur

Vidéo ©Debeur 2020

Parce qu'en cuisine la hiérarchie est similaire à celle d'une brigade de l'armée. D'ailleurs, le terme brigade est utilisé dans les deux cas. Il est intéressant de savoir que les uniformes des cuisiniers et ceux des chefs en particulier, sont issus de ceux de l'armée avec le col droit et les deux rangées de boutons sur le devant. Donc, il n'est pas inutile de penser que l'organisation d'une cuisine, et ici je parle d'une grande cuisine comme celle des grands restaurants ou bien celles des grands hôtels, ressemble à celle d'un corps d'armée. Et ceci est indispensable surtout au moment des coups de feu, ceux où le service bat son plein.

Le livre Chef, oui chef!

L'auteur, Jean Soulard, a été chef des cuisines du Grand hôtel 5 étoiles Le Château Frontenac à Québec pendant 20 ans. Son parcours très diversifié lui a donné la meilleure des formations.

Ce livre est un véritable régal pour ceux qui aiment la cuisine et les chefs qui l’inventent, la modifie et lui donne un tour de main si personnel, si créatif que l’on croit à une nouveauté.

Magnifiquement écrit, Jean Soulard nous livre des recettes tout en nous faisant partager à travers ses récits anecdotiques ses émotions, ses découvertes, un cheminement rempli d’amour de la cuisine et des humains.

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Entrevue de Thierry Debeur avec le chef Jean Soulard, auteur du livre Chef, oui chef!

L’aventure commence avec l’enfance du chef Soulard, en France, en Vendée plus précisément, et se mélange harmonieusement au cheminement de sa vie de chef. Né dans le petit village de la Gaubretière, entre sa grand-mère maternelle, propriétaire d’une auberge, son père boulanger et l'immense jardin de son grand-père (fruits, légumes, fines herbes et fleurs, plus des poules, des lapins et un cochon). Bref, envahi de toutes ses bonnes odeurs, il tombe dans la marmite vers ses 5 ans. Son enfance est émaillée d’anecdotes charmantes avec la chasse aux escargots, le cochon sou, la recette secrète de sa grand-mère et ses bons petits plats. L’école ne l’enchante guère, mais il prend un réel plaisir à se former dans l’école hôtelière de Saumur. Par la suite, d’apprentissage en stage, puis de grandes maisons en maisons étoilées, il apprend des chefs qui les dirigent, se peaufine, se perfectionne jusqu’à devenir maître cuisinier de France.

Rien n’arrête sa passion de la cuisine. Un voyage au Maghreb, aux portes du Sahara, le fait plonger dans la découverte magique des épices. Pour lui cela devient la quête du Graal. Il ira dans un Kiboutz en territoire israélien goûter la cuisine doucement épicée d’une grand-mère polonaise. Sa recherche se poursuivra à l’Île Maurice où le chef d’un hôtel Relais & Chateaux semble utiliser des tonnes d’épices indiennes. Puis en Inde, puis en Asie (mélange d’épices chinoises, thaïlandaises et birmanes). Le chef Soulard nous fait partager la magie de ces moments en décrivant leur arôme, leur subtilité, leur équilibre et son émotion. Il travaille aussi quelques années au Japon dans un grand palace et sera confronté à manger un poisson toxique le fugu !

Un jour, il finit par tomber en amour avec le Québec où il deviendra chef des cuisines du Château Frontenac. Pour avoir des produits frais comme dans son enfance, il installe un jardin sur le toit de l’hôtel, puis fera ajouter un poulailler pour sauver une race de poules en voie de disparition, les chanteclerc, pour finir par 4 ruches. Contre toute attente, les abeilles y sont heureuses, les poules aussi et ce lieu devient un havre de paix. Sa position, dans cet établissement 5 étoiles, et sa grande ouverture d’esprit, lui valent le plaisir de représenter la cuisine québécoise lors de galas à l’étranger : le président des États-Unis, la reine d’Angleterre… Son dernier voyage, un aller-retour en Inde du Sud. À Pondichéry, il savoure un Dahl délicieux cuisiné avec une grande variété d’épices locales… Arrivé le 11 mars 2020 en Inde, il repart le vendredi 13 pour Québec de toute urgence, avant que les aéroports soient fermés à cause du Coronavirus.

Un livre passionnant et tendre à mettre dans sa bibliothèque, à lire et à relire pour ressentir du bonheur, de l’amitié et pourquoi ne pas essayer de refaire les recettes, même si les proportions n'y sont pas indiquées (le chef Soulard donne l'explication dans l'entrevue vidéo ci-dessus).

Chef, oui chef!

Festin de récits bien assaisonnés

Par Jean Soulard, chez Flammarion Québec, 28,95$ (en librairie)