L'éclipse solaire totale du siècle
Un très beau rassemblement en cet après-midi du lundi 8 avril pour voir l'éclipse solaire totale au parc Jean-Drapeau à Montréal. Des jeunes souvent en groupe, des moins jeunes, des enfants, des familles en fait, étaient venus là pour célébrer l'événement unique dans une vie humaine.
Par Thierry Debeur
Photos sauf mention contraire ©2024 Debeur
Il faisait bon en cette journée ensoleillée de printemps et l'ambiance était à la fête. L'éclipse solaire totale 2024 allait se manifester bientôt. La précédente était en 1932. Je n'étais certainement pas encore né. La prochaine aura lieu en 2106. Je ne serai plus là pour la voir. Alors, avec mon épouse, nous voulions assister à cet événement unique dans une vie.
Les organisateurs, Espace pour la vie, assisté par l'administration du parc Jean-Drapeau dont on fête le 150e anniversaire, avaient bien fait les choses. Tout était prêt pour fêter en grand en toute sécurité. 150 000 lunettes gratuites attendaient les spectateurs. Sur le site on pouvait rencontrer des scientifiques en astrophysique pour nous expliquer l'événement afin de mieux comprendre et vivre pleinement ce que nous allions voir. Deux monuments étaient également dressés en stèle à graffitis afin que nous puissions y inscrire nos noms et y laisser ainsi l'empreinte de notre présence en cette journée mémorable.
Bouffe et animation
Mais nos estomacs ne furent pas laissés de côté. En effet, on faisait de longues files, souvent pendant une heure, devant des camions de rue pour pouvoir manger du «street food». Car au Québec, on ne fait pas la fête sans se sustenter. La gastronomie marque chaque instant de notre vie même dans les événements exceptionnels comme celui de cette journée. Il y avait aussi plusieurs marchands de crème glacée ambulants, car il faisait quand même chaud. Bon, de ce côté-là on était équipé.
Et puis le DJ Champion est arrivé sur la scène avec une musique quelque peu primitive, très forte et redondante. Un peu ennuyant celui-là. Ensuite, on a eu les commentaires de la sympathique Sophie Fouron, animatrice télévision, qui nous présenta Laurie Rousseau-Nepton, astronome innue et professeure à l'Institut Dunlap d'astronomie et d'astrophysique de Toronto, et David Saint-Jacques, astronaute de l'Agence spatiale canadienne, qui ont démystifié le phénomène astronomique de l'éclipse.
Un document exceptionnel de l’Agence spatiale canadienne. «Une expérience extraordinaire qui meuble notre esprit devant la grandeur céleste. Des milliers, des millions de spectateurs partageant la même émotion.»
Une belle cérémonie amérindienne
Un moment plein d'émotion fut aussi la cérémonie amérindienne dirigée par Charli Otsi'tsaken:ra Patton (gardien du savoir), pour introduire la présentation de l'œuvre audiovisuelle « Le Savoir des Premiers Peuples sur les Éclipses Solaires ». En résumé, il dit: «Les mots avant toute chose. Tous ensemble, nous unissons nos esprits afin de remercier les éléments de la création qui continuent de subvenir à nos besoins au quotidien. De ce fait, nous réitérons notre responsabilité collective envers ceux-ci et nous nous situons en relation avec ceux-ci. Tous ensemble, nous nous assurons d’être sur la même longueur d’onde pour ce qui suit.» Nous sommes complètement identifiés à son message plein de bon sens, d'amour et de paix.
Enfin, on eut le plaisir d'entendre l'Orchestre Métropolitain de Montréal, dirigé par Yannick Nézet Séguin, qui jouait en duplex Tristan et Isolde de Wagner. C'est le même orchestre qui a accompagné Diane Dufresne dans une chanson en prélude à l'éclipse qui avait déjà commencé depuis quelques minutes. La foule les a accueillis avec un grand enthousiasme.
Dans quelques minutes…
À cet instant, on n'était plus qu'à quelques minutes de l'éclipse totale. La lune finissait de masquer complètement le soleil, la nuit commençait et un mouvement fébrile ondulait dans la foule qui s'est mise à crier comme pour encourager le soleil et la lune de nous offrir ce moment sublime si rare à observer. Puis ce fut la nuit, la température chuta de 6 à 8 degrés, la lune se parait d'un halo de lumière poussé par le soleil qui essayait désespérément de contourner notre satellite pour nous rejoindre. La scène avait un aspect quelque peu irréel les gens étaient immobiles dans leur ombre si particulière, les couleurs changeaient, mais ils criaient tant d'émotion et d'émerveillement que cela nous revenait en pleine poitrine, les teintes changeaient… Et puis, tranquillement, le jour revint et la chaleur aussi.
Foule, des visiteurs de l'éclipse, bloquée devant l'entrée du Métro Jean-Drapeau
La marée humaine
Alors, dans les secondes qui suivirent, je dis bien secondes, la masse ou plutôt une marée humaine se rua vers l'unique station de métro pour se retrouver rapidement bloqués devant les portes qu'elle ne pouvait physiquement franchir que par petits paquets régulés par la capacité des rames du métro. De nombreux impatients décidèrent alors de prendre le pont Jacques-Cartier à pied et ce fut vite l'enfer là aussi. Nous avons alors décidé d'attendre un peu dans la salle de presse. Là, quelques confrères émirent divers scénarios d'exfiltration possibles pour évacuer le parc Jean-Drapeau. On parla de bateau navette projet qui fut vite abandonné à cause de la petite capacité à transborder. Il y eut même une idée farfelue qui consistait à expédier les visiteurs par un système de catapulte… Bon, c'était de l'humour! À part ça, nous avons adoré cet événement et nous sommes encore émerveillés d'avoir eu la chance de le vivre en grand puisque, avec beaucoup d'émotion et dans une vraie communion, nous l'avons partagé avec 100 000 personnes.
Ce fut une expérience étonnante, chargée d'émotion humaine profonde, de partage devant la force de l'univers que nous porterons en nous longtemps. Diane Dufresne dit dans une entrevue: «Nous étions branchés sur la même énergie.»
Témoignage d'amour
Photo ci-contre avec la formation en «diamant»: ©2024 Charles-Henri Debeur
Je ne pouvais terminer cet article sans vous faire part d'un texte magnifique, très émouvant, un texte plein de poésie et d'amour profond suscité par le ressenti de l'événement exceptionnel de l'éclipse. Ce texte est de mon fils et il s'adresse à son épouse. D'abord publié sur Facebook, il en a autorisé la publication sur notre site. Alors voici:
«Il y a neuf ans, nous avons échangé des bagues, symboles de notre lien sans fin. Aujourd’hui, sous le ciel de Montréal, la nature fait écho à notre promesse avec son propre son. L’éclipse solaire totale, un alignement rare, reflétait le précieux cercle de nos alliances – constant, même si le monde qui nous entoure change. En étant témoin de cette danse céleste avec ma bien-aimée, je me souviens de la beauté fortuite de la vie, un peu comme le jour où elle est entrée dans ma vie, transformant le banal en extraordinaire.»
Charles-Henri Debeur